jeudi 3 juillet 2014

Coup de Cœur du Libraire - "Enfants de Lune", de Hélène Rias et Romain Rias

 
 
 
 
Enfants de Lune, de Hélène Rias et Romain Rias, Héritages tome 1, chez les Ludopathes
Le mage Morgas revient à la ville d’Arkas pour demander une nouvelle fois à être le premier homme à rentrer dans la guilde du savoir de Nar. Et cette fois-ci la maîtresse de la guilde des Filles de Nar va accepter et lui donner comme épreuve initiatique de retrouver le Sceptre des Anciens en moins de deux cycles, soit 720 jours.
Morgas part donc avec plusieurs compagnons. Une fille des rues ressemblant à l’ancien peuple, une initiée de la guilde du savoir de Nar, et un démon, tels seront ses compagnons dans sa quête.
En parallèle nous suivons l’histoire d’Acamal, l’Empereur Blanc, élu du dieu ancien Daar, lui-même demi-dieu, dans une époque ancienne où les dieux sont encore présents régulièrement pour guider leurs peuples, par l’intermédiaire de leurs élus.
La lecture du livre est agréable avec un style fluide.
L’histoire reste classique, et fait vraiment penser à un groupe de jeu de rôle avec une intro bateau de MJ.
Et ce n’est pas une coïncidence, puisque l’univers et le récit sont bien inspirés d’une campagne de jeu de rôle. D’ailleurs un jeu de rôle serait en développement sur l’univers du roman.
J’ai lu ce livre sur les conseils d’un client et je ne regrette pas, j’ai pris un grand plaisir à suivre ce récit.
Yannick

Coup de Cœur du Libraire - "La Huitième Couleur"/"Le Huitième Sortilège", de Terry Pratchett

 


Pour continuer dans ma lignée de vous présenter des oeuvres incontournables (et que tout amateur de fantasy/SF se devrait d'avoir lues ^^), je vais aujourd'hui vous présenter les 2 premiers tomes du Disque-Monde.
Pourquoi les 2 premiers ensemble, me demanderez-vous avec sagacité ?
Tout simplement parce qu'ils constituent une même histoire, en 2 parties, et que par ailleurs ce sont les seuls romans du Disque-Monde dans ce cas.

C'est donc avec ces 2 volumes qu'en 1983 Terry Pratchett démarra la phénoménale série de romans du Disque-Monde, et il faudra attendre 10 ans pour une traduction française, et encore 3 de plus pour une traduction révisée par Patrick Couton (qui traduit encore la série à ce jour).
Je ne vais pas vous mentir, le Disque-Monde est pour moi une série qui ne cesse de se bonifier. En conséquence, et paradoxalement, on pourrait défendre l'idée que ces deux premiers volumes sont les 'moins bons'.
Il ne fait aucun doute que l'univers qui sera ensuite abondamment développé n'en est ici qu'à ses premières ébauches. Pour autant, il incombe généralement de commencer par le commencement, et ces deux volumes sont le portail pour pénétrer dans ce merveilleux univers.

Ici, nous suivrons les aventures de Deuxfleurs, un touriste venu du lointain Empire Agatéen pour visiter Ankh-Morpork. Ce qui évidemment surprend les gens du cru, puisque personne jusque là n'a eu l'idée saugrenue de visiter cette ville, surtout réputée pour sa pègre et sa saleté.
Equipé d'un étonnant coffre magique avec plein de pieds, il arrive avec des monceaux d'or, puisque la matière est fort commune là d'où il vient.
Ce personnage optimiste et touchant de naïveté y rencontrera un magicien raté (mais vraiment très très raté) et d'une lâcheté à la limite du surnaturel, Rincevent. Ce dernier transporte par mégarde dans son crâne un sortilège immensément puissant, sinon qu'il ne peut pas le lancer (ni aucun autre sort, en vérité).
Sans vous dévoiler tous les détails, ils vont aller de mésaventures en catastrophes, toujours avec une pleutrerie impressionnante pour Rincevent, et un optimisme forcené pour Deuxfleurs.

De nombreux éléments ou personnages qu'on découvre ici pour la première fois auront l'occasion d'être copieusement développés dans des volumes ultérieurs du cycle, en commençant par la fameuse Ankh-Morpork, et son université de magie, mais aussi bien sûr Rincevent, ou Cohen le Barbare.
La plupart des romans suivants du Disque-Monde ne nécessitent pas d'être lus chronologiquement, et changent presque à chaque fois de point focal (pour régulièrement revenir sur des lieux et personnages favoris, bien sûr).
Pour autant, mon conseil aux lecteurs qui voudraient lire du Pratchett reste de profiter de l'ordre d'écriture de l'oeuvre, et de la continuité 'naturelle' du cycle.
Dans ces premiers volumes, on voit déjà certaines des grandes tendances et qualités qui font pour moi le grand intérêt des annales.
L'humour et la bonhommie, bien sûr, sont des facteurs importants qui la caractérisent. L'adaptation de Patrick Couton transcrit admirablement la légèreté et le zest de l'écriture de Pratchett.
Il serait dommage de s'arrêter à dire que ce sont des romans 'comiques'.
Certes, le propos est souvent amusant, et le ton résolument optimiste, mais on ne peut pas le qualifier de naïf. Mêlé à ses récits, c'est une critique et une analyse souvent acerbe de la nature humaine, et de la société, que Terry Pratchett nous distille.
Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'il a longtemps revendiqué le statut d'écrivain SF plutôt que Fantasy.

En conclusion, je n'ai qu'un seul conseil pour qui veut passer un bon moment : lisez le Disque-Monde :)


Charles

Coup de Cœur du Libraire - "L’Evangile Cannibale", de Fabien Clavel





L’Evangile Cannibale, de Fabien Clavel, chez ActuSF

L’Evangile Cannibale, c’est avant tout un livre de zombies, je vous vois venir : « Encore un livre sur les zombies, il y en a marre ! ». Mais ce n’est pas n’importe quel livre sur les zombies, car ici les personnages principaux sont des personnes âgées échappées d’une maison de retraite. A ce moment-là, vous êtes tous en train de vous demander ce que je raconte, et si je suis toujours saine d’esprit. N’ayez crainte, on va tout reprendre depuis le début.
Matt Cirois se retrouve enfermé dans la maison de retraite Les Mûriers par son ex-femme, son passe-temps favori est de se faire passer pour sénile, son hobby de cracher sur tout le monde ; coincé dans son fauteuil roulant, il attend que le temps passe. Tout aurait pu continuer ainsi, si la doyenne de la maison de retraite n’avait pas vu en rêve une apocalypse zombie toucher sauvagement Paris. Après quarante jours et quarante nuits de réclusion, c’est forcés de trouver des vivres que les pensionnaires se retrouvent dans les rues de Paris dévastée et contaminée par une étrange épidémie. Ils vont donc devoir déambuler en fauteuil roulant dans la capitale, poursuivis par des créatures encore moins vivantes qu’eux, leur objectif : la survie !
                Contrairement à ce qu’on pourrait penser au premier coup d’œil, ce roman n’a pas une visée parodique, mais traite ce sujet de façon réaliste ; il est tout de même vrai que Fabien Clavel pratique l’humour noir à la perfection.
Le personnage de Matt Cirois nous raconte son histoire en enregistrement audio, cela nous fait alors rentrer dans son esprit dérangé ; en effet, Matt est complétement paranoïaque et a une psychologie des plus douteuse. Plus nous avançons dans ce roman, plus cela en devient dérangeant, n’enlevant rien au charme de l’œuvre, bien au contraire.
J’ai été interloquée par certains passages violents et totalement crus (pour ceux qui le liront, vous les reconnaîtrez tout de suite).
Fabien Clavel a tout du moins réussi à relever le pari d’écrire un roman mêlant zombies et personnes âgées complètement déjantées,  sans aller dans le grotesque.
Un roman qui se lit vite, et d’où l’on ne sort pas indemne, voici encore un livre de qualité tout en restant original, que la maison d’édition ActuSF nous propose, et cela pour notre plus grand bonheur. Je n’ai qu’un conseil, lisez-le !
Charlotte

mercredi 2 juillet 2014

Coup de Cœur du Libraire - "Car les Temps Changent...", de Dominique Douay (Les Moutons Electriques, 2014)

                Ce court roman de Dominique Douay marque le retour à la fiction d’un auteur ayant marqué le genre, en France, dans les années 1970 et 1980. Par rapport à L’Impasse-Temps, on retrouve la même voix puissante, le même style maîtrisé, et l’influence de Philip K. Dick. Le roman tire son titre d’une chanson de Bob Dylan, et sera un des leitmotivs de l’œuvre, ainsi que d’autres chansons des années 1960. Nous sommes à Paris, en 1963. Mais quel Paris et, on sera vite amené à se le demander, quel 1963 ? Car, si les temps changent, s’agit-il d’un véritable changement, ou d’un éternel retour ?
                Léo le Lion est un jeune homme, bien de sa personne, multipliant les liaisons et traversant la vie sans y attacher trop d’importance, ni s’attacher durablement. Mais depuis quelques semaines, il a fait la connaissance de Labelle, une jeune femme avec laquelle il a connu l’étreinte des derniers instants. En effet, nous sommes en décembre, la fin de l’année approche, et avec elle, le Changement. Le 1er janvier, chacun se réveillera avec une nouvelle identité, dans un nouveau décor, avec des souvenirs inédits, une famille et une situation fraîchement définies. En ce 31 décembre, chacun profite des dernières heures de l’ancienne année, se rattache aux bribes de son identité, en attendant le Changement et la grande loterie où l’ensemble de la société sera brassée en une nouvelle configuration.
                Mais, voilà. Cette année, Léo est passé au travers du changement, pour des raisons inconnues. Il a conservé son identité, et se réveille en compagnie de parfaits inconnus, qui occupent désormais son appartement et dont l’un partage son état civil, ses souvenirs et ses rapports sociaux. Dès lors, commence pour Léo une lente spirale descendante, à l’image de Paris, qui se révèle progressivement être une gigantesque tour spiralée au sommet de laquelle l’Arc de Triomphe est le cadre, chaque année, d’un discours du Général, mystérieux chef de l’Etat. Plongé dans une dégringolade mortifiante, il découvre peu à peu l’envers du décor, derrière la façade d’une société heureuse et prospère. Son parcours le conduira à une compréhension totale de son cadre de vie, une révélation qui ne résoudra peut-être pas grand-chose pour lui, finalement.
                En définitive, ce roman n’est pas une bouffée d’air frais, puisque l’air qu’on y respire est pour le moins oppressant, mais une vision un peu neuve sur un des vieux poncifs de la SF, celui d’une société future idéale mais pas tant que ça, la dystopie qui découle d’une utopie trop parfaite. S’y ajoute le questionnement, constant chez les émules de Dick, sur la nature de la réalité, et la solidité d’une identité qui se conçoit comme un rapport au réel. L’être-au-monde est fondé sur une planche savonneuse, qui ne laisse finalement que peu de prise au bonheur, une fois gratté le vernis qui recouvre la terne réalité.
Louis